Le rôle des émotions positives
L’effet d’élargissement des émotions positives
Le bonheur a une finalité évolutionniste, ce que Barbara Fredrickson a appelé la théorie « Broaden and Build » (élargir et construire). Au lieu de limiter nos actions à la lutte ou à la fuite comme le font les émotions dites négatives (colère, tristesse, peur), les émotions positives (gratitude, joie, espoir, sérénité, amour, fierté…) élargissent l’éventail des possibilités que nous envisageons, ce qui nous rend plus réfléchis, plus créatifs et plus ouverts à la nouveauté.
Les émotions positives repoussent les frontières de notre connaissance et de notre comportement, elles stimulent notre créativité et contribuent à accroître les ressources physiques, sociales et intellectuelles sur lesquelles nous pourrons compter à l’avenir.
Il a été récemment démontré que l’« effet d’élargissement » est un phénomène biologique : les émotions positives inondent notre cerveau de dopamine et de sérotonine, des amines qui ne font pas que contribuer à notre bien-être, mais dynamisent en outre nos facultés d’apprentissage. Elles nous aident à classer de nouvelles données, à les stocker plus longtemps dans notre cerveau et à les récupérer plus vite ultérieurement.
Par ailleurs, en favorisant les connexions neuronales, elles améliorent notre aptitude à l’analyse complexe et à la résolution de problèmes et nous permettent d’entrevoir et d’inventer de nouvelles façons d’agir.
Des effets sur la vision
Nous voyons davantage ce qui nous entoure quand nous sommes heureux.
Une étude de l’université de Toronto a constaté dernièrement que notre humeur peut modifier la manière dont notre cortex visuel – la zone cérébrale qui gouverne la vue – traite les informations. Dans cette expérience, on a préparé les sujets, les uns à la positivité, les autres à la négativité, puis on les a invités à regarder une série de tableaux. Ceux qui étaient d’humeur négative n’ont pas identifié tous les détails – y compris des éléments importants de l’arrière-plan –, tandis que rien n’a échappé aux sujets de bonne humeur. Les tests contrôlant les mouvements oculaires ont abouti à la même conclusion : les émotions positives élargissent réellement notre vision périphérique.
Les émotions positives peuvent nous ouvrir les yeux et l’esprit sur de nouvelles solutions et idées, et ce dès le plus jeune âge.
Émotions positives et stress
En plus d’élargir nos capacités intellectuelles et créatrices, les émotions positives fournissent un antidote efficace au stress physique et à l’anxiété, ce que les psychologues appellent l’« effet de désamorçage ». Lors d’une expérience, on a demandé à des sujets de prononcer un discours difficile et minuté qui serait enregistré et évalué par leurs pairs. Cela a provoqué chez eux une angoisse considérable (accélération du rythme cardiaque, montée de la tension artérielle…) Les chercheurs répartirent au hasard les participants en quatre groupes, et leur projetèrent des vidéos : deux d’entre elles suscitaient des sentiments de joie et de contentement, la troisième était neutre, et la quatrième triste. Ceux chez qui on avait induit des sentiments positifs combattirent le stress et ses symptômes beaucoup plus vite. Non seulement les films divertissants leur avaient fait du bien, mais ils avaient aussi désamorcé les effets physiologiques du stress.
Un accès d’émotions positives n’élargit donc pas que nos capacités cognitives ; il procure également un antidote rapide et puissant au stress et à l’anxiété, ce qui à son tour améliore notre concentration et notre aptitude à nous surpasser. – Shawn Achor
Comment générer des émotions positives au quotidien ?
Le bonheur n’est pas simplement une humeur : il s’agit plutôt d’une éthique et d’une habitude. Nous avons la capacité de maîtriser notre propre bien-être émotionnel
L’atout bonheur se trouve dans les petits afflux de positivité qui ponctuent le quotidien. Comme le souligne Barbara Fredrickson, si opérer de grands changements et chercher un bonheur durable est certes un objectif louable, quand « nous soulevons le capot pour regarder la dynamique du processus », nous découvrons que « nous devrions plutôt nous intéresser à ce que nous ressentons au jour le jour ».
Chaque activité citée ci-dessous provoque un pic d’émotions positives qui stimule nos performances et notre concentration, mais aussi, avec une pratique régulière et prolongée, contribue à relever durablement notre niveau de bonheur. Puisque le bonheur est subjectif, chacun.e a son mode de stimulation préféré (écouter une de ses chansons favorites, bavarder avec un ami, jouer au basket, caresser un chien, voire nettoyer sa cuisine, regarder un clip vidéo humoristique, échanger deux mots avec un ami, manger de simples friandises…)
Si l’une des recettes proposées n’est pas inspirante, il est toujours possible de trouver une autre idée sur mesure. L’objectif est de redonner le moral et de susciter des émotions positives afin de récolter tous les avantages de l’atout bonheur.
En gardant cette idée en tête, voici plusieurs moyens d’améliorer l’humeur et d’élever le niveau de bonheur au cours de la journée :
Méditer
Les neuroscientifiques ont remarqué que des moines qui consacrent des années à la méditation développent leur cortex préfrontal gauche, la partie du cerveau responsable du bien-être.
Au quotidien, prendre cinq minutes par jour pour inspirer et expirer en pleine conscience peut participer à mieux se sentir. Méditer exige de la pratique. Pendant l’exercice, il s’agit de faire preuve de patience et de se recentrer sur la respiration quand l’esprit se met à vagabonder.
Il est démontré que, dans les minutes qui suivent un exercice de méditation, on connaît une sensation de calme et de contentement de même qu’une empathie et un état de conscience accrus. Les chercheurs vont jusqu’à affirmer que méditer régulièrement peut recâbler le cerveau de manière permanente afin d’élever le niveau de bonheur, diminuer le stress, voire améliorer le système immunitaire.
Penser à un plaisir à venir
D’après une étude, la simple perspective de regarder son film préféré relève le niveau d’endorphine de 27 %. Souvent, la partie la plus agréable d’une activité est l’anticipation. Si vous n’avez pas le temps de prendre des vacances dans l’immédiat, ni même de passer une soirée avec des amis, cochez une date sur votre calendrier, peu importe que ce soit dans un mois ou dans un an. Puis, chaque fois que vous avez besoin d’une injection de bonheur, pensez-y.
Prévoir des récompenses
Prévoir des récompenses (un moment de détente, un bon repas, une sortie, une soirée agréable…) allume les centres du plaisir dans le cerveau autant que la récompense en elle-même.
Accomplir consciemment des actes de bonté.
Une longue tradition de recherches empiriques, dont une enquête portant sur plus de 2 000 personnes, a mis en évidence que les actes d’altruisme – donner aussi bien à des amis qu’à des inconnus – réduisent le stress et contribuent largement à améliorer la santé mentale.
Sonja Lyubomirsky, autrice de Comment être heureux et le rester, a constaté que les individus invités à accomplir cinq actes de bonté au cours d’une journée déclaraient se sentir bien plus heureux que des groupes témoins, et que cette sensation durait longtemps une fois l’exercice terminé.
Il est possible de choisir un jour dans la semaine pour faire cinq actes de bonté. Pour en récolter les bienfaits, inutile de se lancer dans des actes grandioses : ce qui compte surtout est de s’assurer d’agir délibérément et consciemment (« J’ai tenu la porte à un type qui sortait de la banque. »).
Insuffler de la positivité dans votre environnement.
Notre environnement physique peut avoir un impact énorme sur notre état d’esprit et notre sentiment de bien-être. S’il ne nous est pas toujours possible de le contrôler complètement, nous pouvons nous efforcer d’y insuffler de la positivité.
Par exemple au bureau : quels sentiments inspire-t-il ? Ceux qui entourent leur ordinateur de photos de leurs bien-aimés ne cherchent pas qu’à soigner la décoration : ils s’assurent une bouffée d’émotion positive chaque fois qu’ils jettent un coup d’œil dans cette direction.
Prendre le temps de sortir par une belle journée présente également un avantage énorme ; nous savons grâce à une étude que passer vingt minutes à l’extérieur quand il fait beau stimule le moral et, en outre, développe la réflexion et améliore la mémoire à court terme.
Nous pouvons entraîner notre cerveau à chercher le positif – les possibilités latentes dans chaque situation – et devenir experts dans l’art de tirer profit de l’atout bonheur.
Tenir les émotions négatives à distance.
Shawn Achor nous conseille de moins regarder la télé, en particulier les informations. Des études ont établi que moins on regarde d’émissions négatives, notamment violentes, mieux on se porte. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il faille se couper du monde réel ou ignorer les problèmes.
Les psychologues ont remarqué que les moins accros à la télé sont en fait meilleurs juges des risques et des récompenses de la vie que ceux qui s’assujettissent aux histoires de crime, de tragédie et de mort que déversent chaque soir les bulletins d’information. Ceux qui ignorent ce média sont moins susceptibles de s’exposer au sensationnalisme et à la partialité et, par conséquent, ont une vision plus claire de la réalité.
Faire de l’exercice.
L’exercice libère des substances chimiques sources de plaisir, les fameuses endorphines, mais ce n’est pas son seul avantage.
L’activité physique peut doper l’humeur et améliorer les performances (au travail, à l’école…) de plusieurs autres façons, en augmentant la motivation et le sentiment de maîtrise, en réduisant le stress et l’anxiété, et en nous aidant à nous mettre en condition – cette sensation de concentration « totale » que nous éprouvons habituellement quand nous sommes au top de notre forme.
Dépenser de l’argent (mais pas pour des objets).
Contrairement au dicton populaire, l’argent peut faire le bonheur, mais seulement si on s’en sert pour agir et non pour simplement posséder. Dans son livre La Course au luxe, Robert H. Frank explique que, si les sensations positives dérivées des objets matériels sont affreusement fugaces, dépenser de l’argent pour des expériences, en particulier celles que l’on partage avec autrui, provoque des émotions positives à la fois plus significatives et moins éphémères.
Par exemple, quand des chercheurs ont interrogé plus de 150 personnes sur leurs derniers achats, ils ont découvert que les sommes consacrées aux activités telles que concerts et dîners entre amis procuraient bien plus de plaisir que des achats matériels du genre chaussures, téléviseurs ou montres hors de prix. Dépenser de l’argent pour d’autres, ce que l’on appelle la « dépense pro-sociale », stimule le bonheur.
Utiliser ses forces personnelles.
Tout le monde a un don particulier. Chaque fois que nous utilisons une aptitude, quelle qu’elle soit, nous connaissons un accès de positivité. Shawn Achor nous conseille d’exploiter un talent auquel nous n’avons pas fait appel depuis un moment.
Pratiquer une force personnelle, un trait qui nous est propre est satisfaisant. Récemment, une équipe de psychologues a recensé les vingt-quatre forces personnelles universelles qui contribuent le plus à l’épanouissement humain. Ils ont ensuite mis au point une enquête exhaustive qui identifie les cinq forces principales, la « signature » de chaque individu. (Pour découvrir quelles sont les vôtres, rendez-vous sur www.viasurvey.org) Quand on a encouragé 577 volontaires à choisir l’une de leurs forces principales et à l’utiliser d’une nouvelle manière chaque jour pendant une semaine, ils sont devenus nettement plus heureux et moins déprimés que les groupes témoins. Et cet effet a perduré : six mois après la fin de l’expérience, leur niveau de bonheur était toujours élevé. Des études ont confirmé que plus on exerce ses forces personnelles dans la vie quotidienne, plus on se sent épanoui.
Faire preuve de gratitude et de reconnaissance.
Même les plus infimes moments de positivité au quotidien peuvent accroître l’efficacité, la motivation, la créativité et la productivité. Il suffit pour cela d’exprimer de fréquents encouragements et des marques de reconnaissance… envers soi-même et envers les autres.
Par ailleurs, des rituel de gratitude peuvent améliorer le niveau de bonheur (par exemple, se raconter en famille tous les soirs les 3 “kifs” du jour).
Equilibrer les signes de reconnaissance positifs et négatifs.
Fondé sur la modélisation mathématique de Losada, 2,9013 représente le ratio interactions positives/interactions négatives nécessaire pour qu’une équipe réussisse. Cela signifie qu’il faut environ trois commentaires, expériences ou expressions positifs pour contrer les effets démoralisants d’une remarque négative.
Mobiliser plus spécialement ses points forts pendant l’exécution d’un travail complexe.
Il est possible de recourir à cette technique en toutes circonstances. Chargé de préparer le repas de Noël, vous craignez que vos plats ne soient pas à la hauteur de vos espérances ? Concentrez-vous sur le fait que vous savez très bien gérer le temps et suivre les indications. Vous devez faire une présentation importante mais vous vous estimez piètre orateur/ oratrice ? Dites-vous que vous êtes particulièrement au point et que vous avez effectué une recherche documentaire impressionnante.
Cela ne signifie pas ignorer les faiblesses, ou énoncer des phrases vides de sens, ou encore accepter des missions impossibles à assumer, cela implique simplement de se concentrer sur les talents avant d’entrer en scène. Cela peut passer par le fait de se servir des forces personnelles, évoquées au point précédent.
Plus encore que croire dans ses propres capacités, il est important de se convaincre que l’on peut les améliorer.
C’est l’idée que développe Carol Dweck avec le concept d’état d’esprit de développement.
Pour aller plus loin : L’extraordinaire pouvoir de croire qu’on peut s’améliorer : quand un “pas encore” change la vie !
Les limites des émotions positives
S’il est important de déplacer le point d’appui vers un état d’esprit plus positif, il ne faut pas le déplacer trop loin – en d’autres termes, il nous faut veiller à ne pas entretenir d’attentes irréalistes concernant notre potentiel. Notre expérience est en grande partie relative et influencée par notre état d’esprit, mais des contraintes concrètes (la gravité, notamment) demeurent.
Le bonheur ne consiste pas à nous mentir à nous-mêmes, ni à fermer les yeux sur le négatif, mais à ajuster notre cerveau afin de voir les moyens de nous élever au-dessus des circonstances. – Shawn Achor
Nous voulons repousser les limites du possible aussi loin qu’elles peuvent aller, non pas les arrêter de la manière dont trop de patrons, parents, professeurs ou journalistes démotivants nous disent qu’elles devraient être arrêtées. Évidemment, il ne suffit pas de croire qu’on peut voler pour s’élever dans les airs. Pourtant, si nous ne croyons pas, nous n’avons aucune chance de jamais parvenir à décoller du sol. Quand nous sommes convaincus (ou quand les autres le sont pour nous) de pouvoir faire plus et réussir mieux, c’est souvent la raison précise pour laquelle nous réussissons effectivement mieux.
Le cœur du défi est de cesser de penser le monde comme figé quand la réalité est, de fait, relative. – Shawn Achor
Par ailleurs, l’optimisme irrationnel conduit à la formation de bulles financières qui finissent inévitablement par éclater. Il nous fait acheter des maisons à un prix trop élevé pour nous et vivre au-dessus de nos moyens. Il incite les dirigeants d’entreprise à édulcorer le présent, de sorte qu’ils n’anticipent pas comme ils le devraient. Il peut nous rendre aveugles aux problèmes qui réclament une solution, ou aux secteurs requérant une amélioration (des études sur les « illusions positives » concluent que l’optimisme devient inapproprié quand il nous conduit à surestimer grossièrement nos capacités réelles). Le pessimisme se révèle utile dans certaines circonstances – telles que les occasions où il nous empêche d’investir de façon déraisonnable, de prendre une décision risquée concernant notre carrière, ou encore de jouer avec notre santé. Développer un esprit critique peut également se révéler opportun aussi bien pour les individus et les entreprises que pour la société tout entière, en particulier quand cela nous incite à reconnaître les inégalités et à œuvrer pour les corriger.
L’important n’est donc pas de fermer en permanence la porte à tout ce qui est mauvais, mais d’avoir un sens de l’optimisme sain, réaliste et raisonnable. – Shawn Achor
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Source : Comment devenir un optimiste contagieux de Shawn Achor (éditions Pocket). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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