Comprendre et apprivoiser la honte
Brené Brown est professeure et chercheuse en Sciences Humaines à l’Université de Houston. Elle s’est spécialisée dans l’étude de la vulnérabilité et de la honte. Dans son livre Le pouvoir de la vulnérabilité , elle propose une approche pour comprendre et combattre la honte à travers la notion de résilience.
Brené Brown part du principe qu’il est nécessaire de dépasser la honte pour accepter la vulnérabilité. Elle affirme qu’il est difficile de parler de la honte mais que c’est loin d’être aussi dangereux que de garder le silence.
Les ABC de la honte
Brené Brown définit la honte comme l’expérience profondément douloureuse de croire qu’on est défaillant et par conséquent indigne d’amour, d’intimité ou de contact. La honte est une émotion sociale parce qu’elle est la manifestation de la peur de perdre le contact avec autrui. Brown rappelle que nous sommes “psychologiquement, affectivement, cognitivement et spirituellement” programmés pour le contact, l’amour et l’intimité.
La honte est donc la peur qu’une chose que vous avons faite (ou échoué à faire), un idéal que nous n’avons pas atteint, nous rende indigne de contact.
Il est dans la nature humaine de vouloir se sentir digne d’amour et d’intimité. Quand on éprouve de la honte, on se sent exclu, désespéré. – Brené Brown
Elle a conçu les ABC de la honte pour nous aider à nous souvenir des 3 choses essentielles à savoir sur la honte :
A.Tout le monde ressent de la honte. La honte est universelle. Brown écrit avec humour que nous avons deux choix : avouer que nous éprouvons de la honte ou admettre que nous sommes sociopathes.
B.Tout le monde a peur de parler de la honte.
C.Moins on parle de la honte, plus elle prend le contrôle.
La honte peut survenir dans de nombreux domaines de notre vie, comme l’apparence et le physique, l’argent, la santé physique et mentale, la sexualité, le vieillissement, les valeurs religieuses ou encore des expériences passées douloureuses (traumatisme).
Les dangers de la honte
Brené Brown nous avertit des dangers de la honte :
- quand on ne fait pas la différence entre honte et culpabilité, on n’arrive pas à faire amende honorable et à modifier un comportement qui ne correspond pas aux valeurs. La culpabilité, c’est savoir qu’on a fait quelque chose de mal et la honte, c’est s’assigner l’étiquette “je suis mauvais””. La culpabilité est inconfortable mais utile; la honte a un pouvoir destructeur pour soi et les autres.
- la douleur engendrée par la honte rend plus susceptible de s’engager dans des comportements autodestructeurs ou d’agresser et d’infliger de la honte aux autres
- la honte érode le courage et aliment la démotivation
La résilience face à la honte
L’empathie est le baume de la honte
Brené Brown écrit que la résistance à la honte n’est pas possible. On ne peut pas résister à nos émotions premières. Tant qu’on accorde de l’importance au contact, la peur de la rupture et de l’exclusion représente une force puissante et la douleur provoquée par la honte est réelle. Ce qui est en revanche possible est d’apprivoiser la honte comme on apprivoiserait un animal sauvage sans chercher à la faire disparaître, sans la nier ni la juger.
Comme la honte est une émotion sociale, elle se guérit mieux entre individus. Brown explique que, quand on peut partager son histoire avec quelqu’un qui répond par de l’empathie et de la compréhension, la honte n’y survit pas. Quand personne dans l’entourage n’est capable d’offrir cette empathie, apprendre à faire preuve d’auto empathie, d’auto compassion est une notion clé.
L’auto empathie, c’est non seulement dire oui à nos émotions, les valider comme légitimes mais aussi nous parler à nous-même comme nous le ferions à un ami en peine (“c’est vrai que c’est difficile, je te soutiens, tu as le droit de faire des erreurs, tu as le pouvoir de trouver des solutions”).
Une blessure sociale nécessite un baume social et l’empathie est ce baume. – Brené Brown
Les quatre composantes de la résilience
Ces quatre étapes ne surviennent pas toujours dans cet ordre mais elles finissent toujours par mener à l’empathie :
1.Reconnaître la honte et comprendre ses déclencheurs
La honte est biologique et biographique. Il est essentiel de se mettre à l’écoute des sensations du corps (ex : rougissement, gorge sèche…), des pensées qui émergent (ex : je suis nul.le, je suis bon.ne à rien, c’est la fin de ma vie…), de l’intensité de l’émotion éprouvée (ex : une échelle de 1 à 10) et des tendances à l’action/ des envies (ex : fuir, se cacher, contre attaquer…).
Une fois ces manifestations de la honte identifiés, il est possible de les accueillir et les accepter : “oui, c’est vrai, je ressens…/ j’ai envie de…/ ça fait… dans mon corps”).
Cette connexion aux sensations et émotions permet de “débrancher” le cerveau émotionnel et irrationnel puis de “reconnecter” le cerveau de la réflexion. Une fois le calme revenu, il est envisageable de déterminer les injonctions et attentes qui ont déclenché la honte : qu’est-ce qui a heurté mes valeurs dans cet événement ? qu’est-ce qui m’a manqué ? qu’est-ce qui m’a poussé à agir ainsi (mes besoins, mes motivations positives qui ont aboutit à une stratégie pourtant inadaptée) ?
2.Exercer le sens critique
Cette deuxième étape permet de revenir à ce qui est en essayant d’éliminer les filtres sociaux, éducatifs, moraux… :
- quelle est la réalité des injonctions (sociales, familiales, religieuses, scolaires…) et des attentes (qui est l’origine de ces attentes ?) qui motivent cette honte ?
- ces injonctions sont-elles réalisables ?
- ces attentes sont-elles justes, éthiques ?
- ont-elles à voir avec que je veux être ou ce que les autres attendent de moi ?
3.Aller à la rencontre d’autrui
Il est essentiel d’accepter de raconter son histoire et donc de dépasser la honte initiale. Le levier de l’empathie comme baume guérisseur ne peut être activé qu’à partir du moment où la honte est racontée : comment pourrions-nous recevoir de l’empathie (et même de l’auto empathie) si personne (pas même nous) n’entend l’histoire ?
La honte prospère sur le secret et le refus de confier le traumatisme peut être plus préjudiciable que l’événement lui-même.
4.Exprimer la honte
Cette étape est celle du passage à l’acte : parler des émotions, se mettre à nu, raconter les pensées douloureuses, avouer l’inavouable, demander de l’aide.
Avoue cette histoire ! Ne l’enterre pas, ne la laisse pas s’envenimer et te définir. Je dis souvent tout haut : “Si tu avoues cette histoire, c’est toi qui vas en écrire la fin.”. Quand on enterre une histoire, on y reste soumis pour toujours. Quand on l’avoue, on peut en composer la fin. – Brené Brown
Cela demande du courage de dépasser l’envie de se cacher ou d’attaquer pour se protéger. Cela demande du temps de tisser des liens avec des personnes capables d’entendre la honte, quelqu’un qui nous aime inconditionnellement, quelqu’un qui ne vas pas minimiser ni critiquer.
La résilience est une stratégie destinée à protéger le lien, le lien avec soi-même et avec ceux qu’on aime. – Brené Brown
Garder ces quatre composantes de la résilience en tête permet de garder en tête les mécanismes émotionnels de la honte tout en choisir consciemment de ne pas entrer dans le jeu.
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Source : Le pouvoir de la vulnérabilité de Brené Brown (éditions Guy Trédaniel). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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