Comment et pourquoi nous choisissons nos partenaires amoureux
Un double mécanisme inconscient sous-tend souvent la recherche d’un.e conjoint.e idéal.e
Dans son livre Le Couple, mode d’emploi, Harville Hendrix développe une thèse selon laquelle de nombreuses personnes se mettent en couple avec des partenaires semblables à leurs parents et que c’est la raison pour laquelle tant de couples jouent à des luttes pour le pouvoir.
Harville Hendrix, thérapeute spécialisé en relations de couple, explique que nous avons deux cerveaux : le “vieux” cerveau qui correspond au cerveau limbique (siège des émotions, gouverné par des mécanismes inconscient et dépourvu de toute notion de temps) et le “nouveau” cerveau qui correspond au cerveau pré frontal (le cerveau logique et organisé qui réfléchit en conscience).
Selon lui, la partie de votre cerveau qui dirige la recherche de partenaire amoureux est le vieux cerveau. Le vieux cerveau essaye de recréer les conditions de la petite enfance dans le but de les corriger. Pour Harville Hendrix, le vieux cerveau tente de retourner à la scène de la frustration originelle afin de clore sa quête inachevée et se sentir comblé, pour réparer les blessures du passé.
Par ailleurs, Hendrix ajoute que, si nous sommes nombreux à choisir des personnes différentes de nous, c’est parce qu’être attaché affectivement à cette personne (c’est « mon » petit ami/ c’est « ma » petite amie) nous permet de vivre comme si nous possédions nous-même ses qualités. C’était comme si, en nous unissant à l’autre, nous étions devenu un être entier.
Ainsi, un double mécanisme sous-tend souvent la recherche d’un.e conjoint.e idéal.e :
- quelqu’un qui à la fois ressemble à nos parents (le partenaire a à la fois les qualités et les défauts des personnes qui nous ont élevés)
- quelqu’un qui compense nos aspects manquants car refoulés dans l’enfance (soit par mimétisme des comportements des parents, soit par apprentissage comme le fait que la spontanéité était censurée dans le foyer ou que la colère de l’enfant d’alors déclenchait de la violence de la part des parents). Notre partenaire compense les parties positives de nous-mêmes dont nous avons été amputées dans notre enfance.
L’imago
Harville Hendrix a développé l’idée selon laquelle nous nous formons une image inconsciente du sexe opposé, en formation depuis notre naissance. Il nomme cette image intérieure imago. L’imago est comme une silhouette ayant peu de caractéristiques physiques distinctes mais pourvue des traits de caractère combinés des gens chargés de prendre soin de nous dans la petite enfance. Pour Hendrix, notre recherche de partenaire s’articule autour d’une observation des gens autour de nous avec minutie : s’agit-il de quelqu’un qui pourra répondre à mes besoins affectifs et m’aider à recouvrer mon moi perdu ?
Votre imago est essentiellement une image composite des personnes qui vous ont le plus influencé dans votre petite enfance. Il peut s’agir de votre mère et de votre père, ou d’un ou plusieurs de vos frères et sœurs, ou d’une nourrice, ou de parents proches. Mais quelles qu’aient pu être ces personnes, une partie de votre cerveau a enregistré tout ce qui les concernait — le son de leur voix, le temps qu’ils mettaient à répondre à vos pleurs, la couleur de leur peau quand ils se mettaient en colère, leur façon de sourire lorsqu’ils étaient heureux, leur façon de se tenir ou de bouger, leur humeur habituelle, leurs dons et leurs centres d’intérêt. À côté de ces impressions, votre cerveau a enregistré toutes les interactions importantes entre ces personnes et vous-même. Votre cerveau n’a pas interprété ces données, il n’a fait que les graver dans un certain registre. – Harville Hendrix
Ainsi, pour Harville Hendrix, si la raison principale qui nous pousse à choisir notre partenaire est qu’il ressemble à nos parents, il semble inévitable que cette personne rouvre des plaies douloureuses. En effet, selon sa théorie de l’imago, nous choisissons notre partenaire en fonction de traits de caractère parce qu’ils correspondent à ceux qui nous ont blessés dans l’enfance : c’est précisément là qu’il y a du travail personnel inachevé.
De l’amour romantique à la lutte de pouvoir dans le couple
Ce mécanisme est inconscient lors de la rencontre du couple et de la période que Hendrix nomme “amour romantique“. Avec le temps, la plupart des gens découvrent dans leur mariage que le comportement du mari ou de la femme réveille en eux des douleurs d’enfance. Hendrix estime que cette prise de conscience apparaît quand il y a un engagement ferme et/ou plus de temps passé ensemble au quotidien.
Nous abordons la relation dans l’idée inconsciente que notre partenaire se substituera à nos parents et compensera toutes les privations de notre enfance. La seule chose à faire pour guérir nos blessures est de former une relation intime et durable. Au bout d’un moment, nous constatons que notre stratégie ne fonctionne pas. Nous sommes « amoureux », mais incomplets. Nous décidons que la raison pour laquelle nos plans ne fonctionnent pas est que nos partenaires ignorent délibérément nos besoins. Ils savent parfaitement ce que nous voulons, quand et comment nous le voulons, mais, pour une raison quelconque, ils refusent délibérément de nous le donner. Cela nous met en colère et, pour la première fois, nous voyons les défauts de nos partenaires.
C’est alors que nous compliquons le problème en projetant sur eux nos propres traits négatifs refoulés. Au fur et à mesure que les conditions se détériorent, nous décidons que la meilleure façon de forcer nos partenaires à satisfaire nos besoins est d’être irritable et désagréable, tout comme nous l’étions au berceau. Si nous crions fort assez longtemps, nous croyons que nos partenaires viendront à la rescousse. Et ce qui empoisonne finalement la lutte pour le pouvoir, c’est la croyance sous-jacente inconsciente que, si nous ne pouvons pas attirer, forcer, ou séduire nos partenaires pour qu’ils prennent soin de nous, nous serons confrontés à la peur la plus grande de toutes — la peur de la mort. – Harville Hendrix
Les stades de la lutte de pouvoir dans le couple
Harville Hendrix parle de lutte pour le pouvoir. Pour le thérapeute, la lutte pour le pouvoir suit un cours prévisible, en parallèle avec les stades bien connus du deuil. Le deuil concerne l’illusion de l’amour romantique et passe par les 5 mêmes étapes que celui d’une personne chère.
1. Le choc et la tristesse immense
Hendrix parle d’un “horrible moment de vérité où le voile se déchire et où une pensée dévastatrice envahit votre état conscient. « Ce n’est pas la personne que j’avais cru épouser. » “.
Cette prise de conscience s’accompagne d’une pensée fulgurante : la vie conjugale sera une continuation de la solitude et des souffrances de l’enfance.
La guérison anticipée (le fait que le/la partenaire compense les manquements liés à l’enfance et nourrisse les besoins affectifs insatisfaits) n’aura pas lieu.
2. Le déni
La déception et la douleur sont si grandes qu’on ne veut pas voir la réalité. On essaye alors de voir les défauts du partenaire sous un jour positif. Mais, en fin de compte, le déni ne peut être soutenu sur le long terme et on se sent trahi.
3.La trahison et la colère
Le degré de souffrance correspond à l’écart entre les premières illusions sur le/la partenaire et la réalité. Le niveau des colère est proportionnel à celui de la souffrance.
Cette phase de colère dans la lutte pour le pouvoir peut aboutir à des disputes incessantes, des violences verbales et parfois physiques. Si cette phase est surmontée, la quatrième phase est marquée par la négociation.
4.La négociation
Ce stade fonctionne à peu près de cette façon : « Si tu arrêtes de boire, ça m’intéressera davantage de faire l’amour. » Ou : « Si tu me laisses plus de journées à faire de la voile, je passerai plus de temps avec les enfants.
Dépasser ce stade nécessite d’aller jusqu’à la racine du problème (à savoir, selon Hendrix, les mécanismes inconscients et les blessures du passé qui sous-tendent les réactions disproportionnées et les jeux de pouvoir).
5. Le désespoir
La dernière phase de la lutte pour le pouvoir est celle du désespoir.
Quand les couples en arrivent à cette croisée des chemins, ils n’ont plus aucun espoir de trouver le bonheur ou l’amour au sein de leur relation ; la souffrance a duré trop longtemps. C’est à ce moment-là qu’un couple sur deux environ abandonne la dernière lueur d’espoir et demande le divorce. La plupart de ceux qui restent mariés instaurent ce qui s’appelle un mariage « parallèle » et cherchent leur bonheur en dehors de leur relation conjugale. Très peu, peut-être moins de cinq pour cent des couples, trouvent un moyen de résoudre la lutte pour le pouvoir, et parviennent à créer une relation profondément satisfaisante.- Harville Hendrix
Passer d’un mariage “inconscient” (lutte de pouvoir) à un mariage “conscient” (source de croissance personnelle et duelle)
Harville Hendrix nous invite alors dans un processus de croissance personnelle et de reconnexion à soi à travers l’apprentissage de nouvelles manières de communiquer, à travers un travail conscient pour nourrir la relation avec des attentions délibérées et à travers un travail sur les blessures passées qui parasitent la relation de couple.
On retrouve dans le travail de Harville Hendrix des influences de la psychologie humaniste (à l’origine notamment du processus de la Communication NonViolente telle que conçue par Marshall Rosenberg).
Ainsi, Hendrix propose notamment des exercices pour :
- renoncer à la fuite (identifier les stratégies d’évitement mises en place pour fuir le couple et choisir d’y renoncer progressivement pour passer plus de temps avec le/la partenaire). Hendrix parle de “divorce invisible” : certaines personnes structurent leur vie de telle sorte qu’une véritable intimité est pratiquement impossible.
- créer une zone de sécurité (un exercice consiste à ce que les deux partenaires établissent une liste positive d’actes spécifiques indiquant à l’autre comment il peut faire plaisir et les partenaires doivent s’accorder l’un à l’autre un certain nombre de ces comportements d’amour attentionné, sans considération de ce qu’ils ressentent l’un pour l’autre et sans rien attendre en retour). Hendrix y ajoute la liste de surprises, qui représente un ensemble de gentillesses allant au-delà de ce que le conjoint a demandé et qui sera offerte comme une surprise au partenaire. Hendrix demande non seulement aux couples de se faire des gentillesses et des surprises, mais aussi d’avoir des activités amusantes intenses ensemble chaque semaine. Celles-ci doivent être spontanées, pratiquées à deux comme les chatouilles, les massages, chahuter, se doucher ensemble, bondir ou danser.
- respecter le point de vue de l’autre sans forcément être d’accord mais en acceptant l’idée qu’il a sa propre subjectivité et que ce qu’il pense/ ressent/ dit à du sens pour lui (c’est tout un travail que de respecter les points de vue du/de la conjoint.e, en réalisant qu’ils enrichissent les nôtres).
- valider les émotions de l’autre, en particulier la colère (au lieu de critiquer la colère, chaque partenaire apprend à la valider : « Oui, je vois que tu es très en colère. » Quand un partenaire écoute attentivement, paraphrase les remarques de l’autre et reconnaît l’existence d’émotions intenses, le besoin d’attention, d’acceptation inconditionnelle et de compréhension de l’autre est satisfait, et l’environnement du couple devient sécurisant et positif). Pour Hendrix, il est nécessaire de respecter trois règles de base pour l’accueil émotionnel de la colère en couple : 1. Les partenaires ne quittent pas la pièce avant que l’exercice ne soit fini. 2. Les partenaires s’engagent à ne pas faire de dégâts matériels et à ne pas se toucher de manière agressive. 3. La personne en colère, l’émetteur, limite ses mots à la description d’un comportement sans aborder la description du caractère de l’autre.
Harville Hendrix précise tout au long de son livre que ces exercices requièrent de l’engagement, peuvent être sujets au découragement sur le long terme, sont douloureux parce qu’ils rouvrent des plaies et peuvent faire peur, et qu’ils sont parfois rejetés par des couples au prétexte qu’ils ne sont pas naturels et plutôt artificiels ou bien qu’ils risquent d’engloutir la personnalité de la personne qui s’y prête. En effet, le processus proposé par Harville Hendrix repose sur l’angoisse de l’apprentissage d’une nouvelle façon d’être ensemble, mais aussi sur la confrontation à la souffrance et à la peur refoulées depuis des années et qui sont à l’origine des difficultés.
A la fin de son livre, Harville Hendrix propose 16 exercices détaillés qui permettent de passer d’un mariage “inconscient” à un mariage “conscient”.
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Source : Le Couple, mode d’emploi de Harville Hendrix (éditions Imago). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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