Être est le corps en état de vie.
Alexander Lowen, concepteur de l’approche thérapeutique bio-énergétique, nous avertit dans son livre La peur de vivre que nous avons trop souvent tendance à réprimer les sensations de notre corps, qui sont pourtant les vectrices de nos émotions.
Il nous rappelle que la nature des humains est d’être et non pas de faire et que être est le corps en état de vie.
Qu’est-ce que l’être ?
Lowen énonce plusieurs critères qui permettent de déterminer si une activité relève de l’être :
- quand le plaisir est la motivation dominante (quand on danse ou qu’’on écoute de la musique sans recherche de performance);
- quand l’activité est orientée vers l’intérieur (vers la sensation éprouvée en l’accomplissant);
- quand une sensation authentique du corps inspire et guide l’activité (c’est-à-dire quand nous ne ressentons pas « afin de » mais que les sensations sont simplement des réponses corporelles et involontaires au monde qui nous entoure au service de l’élan vital );
- quand le but est secondaire à l’action.
Qu’est-ce que le faire ?
De même, Lowen énonce plusieurs critères qui permettent de déterminer si une activité relève du faire :
- le faire n’implique aucune sensation,
- le faire ne mène à aucune sensation,
- le faire inhibe ou bloque les sensation (ex : quand nous allons à pied dans un endroit avec l’intention de nous y rendre le plus rapidement possible, nous ne pouvons pas éprouver d’autre sensation que celle d’être « sous pression »);
Au nom du rendement, je me transforme en une machine jusqu’à ce que le but soit atteint. Les machines n’ont pas de sensations. Elles ne savent pas ce que c’est qu’être, mais elles peuvent faire des choses. – Alexander Lowen
Pour reprendre l’exemple de la marche, être dans l’être supposerait de se rendre à la gare en prenant le temps ; en jouissant du plaisir de marcher, de regarder les gens, les éléments naturels et les magasins rencontrés sur le chemin.
Posséder et faire vont de pair
Lowen estime que si nous avons peur d’être (notamment à cause d’expériences passées qui ont engendré une peur d’être submergé par des émotions violentes redoutées comme mortelles), nous pouvons dissimuler notre crainte en augmentant notre faire. En effet, plus nous sommes affairés, moins nous aurons de temps pour sentir, être, vivre. Si nous finissons par nous convaincre que faire est à la fois être et vivre, alors nous risquons d’évaluer la valeur de notre vie par nos accomplissements plutôt que par la joie, la plénitude de l’expérience vécue.
Alexander Lowen regrette que nous ne réalisions pas que la liberté est plus précieuse que tous les biens, car sans elle nous ne pouvons pas être. Faire ne pourra jamais combler le manque d’être. Faire, c’est comme mettre des vêtements : les vêtements recouvrent le corps mais ils ne le remplacent pas.
Le mode possessif non seulement réduit l’être, mais restreint sa liberté. Les choses que nous possédons nous possèdent. Nous sommes possédés par nos possessions : nous devons y penser, nous en inquiéter, en prendre soin. Nous ne sommes pas libres de les laisser en plan et de partir parce que pour beaucoup d’entre nous elles représentent notre identité, notre sécurité, voire notre santé mentale.
Un équilibre entre être et faire
Toujours selon Lowen, si nous faisons autant attention au processus qu’au but, faire devient une action créative, une expression du soi et accroît le sens d’être.
Les agissements d’une personne saine mettent en valeur l’équilibre délicat entre le faire et l’être, entre le sentir et le penser, entre la réponse spontanée et la réponse délibérée. – Alexander Lowen
Seule une combinaison entre être et faire engendre des actions plaisantes, efficientes, naturelles, et en même temps adaptées à la situation. Trouver l’équilibre entre être et faire est l’apogée de l’être.
Le corps, lieu de l’être
La croissance de l’être, fonction du corps
Lowen insiste sur le rôle du corps et des sensations dans la croissance de l’être et la reconnexion à soi. Cette croissance ne peut venir que de l’intérieur et est une fonction du corps.
La santé émotionnelle ne peut être gagnée qu’à travers la prise de conscience, l’acceptation de soi. Se battre pour changer son être ne fait qu’empêtrer davantage la personne dans les rêts du destin qu’elle essaye d’éviter. – Alexander Lowen
Il s’agit alors de dénouer les tensions du corps, de se réapproprier sensations et émotions comme non dangereuses et de s’accepter tel qu’on est.
Quand le corps est lieu de tension
Alexander Lowen rappelle que les rôles que nous adoptons dans la vie deviennent structurés dans nos corps comme notre façon d’être dans le monde. Par conséquent, ils finissent par devenir la seule façon dont nous pouvons être dans le monde. Ils limitent donc sérieusement notre être.
Ces rôles, à travers la volonté de maintien (ex : se retenir de pleurer, ravaler sa colère, prendre sur soi) finissent par provoquer des tensions musculaires chroniques.
Or, le contrôle va de pair avec le maintien et empêche le flot d’émotions de couler naturellement. Cette retenue du flot d’excitation se développe graduellement, insidieusement, jusqu’à devenir inconsciente.
Alexander Lowen affirme, qu’au début, la tension a été consciemment créée pour bloquer l’expression d’une impulsion qui pouvait susciter une réponse hostile de la part ds parents (retenir les larmes, les cris, la tristesse, la peur, la colère, l’excitation). Avec le temps, la tension devient chronique, et, bien qu’appris (et non naturel), ce contrôle inconscient du corps empêche l’être.
Libérer le corps de ses tensions
Respirer
La procédure thérapeutique telle que conçue par Lowen a pour but de prolonger ou de développer l’Être. Elle implique un « lâcher prise », pour permettre au flot d’émotion de couler à nouveau librement.
Lowen prend l’exemple de la respiration pour illustrer ce lâcher prise. Dans le cadre thérapeutique, il invite ses patients à faire un effort conscient pour respirer à fond. Cette façon de respirer apporte plus d’oxygène au corps et accroît le niveau d’énergie (même si, étant un effort conscient, elle relève encore du domaine du faire ce qui en tant que tel n’élargit pas le sentiment d’être). L’effort fourni pour respirer davantage en profondeur rend cependant le patient conscient qu’il retient habituellement sa respiration. Respirer à fond active des sensations enfouies dans l’inconscient. Or les personnes en souffrance émotionnelle ont tendance à retenir leur respiration parce que c’est une manière efficace de réduire au silence des sensations et émotions inconscientes refoulées.
Tant qu’un patient a peur de ses sensations, il ne peut pas se laisser aller à respirer naturellement, aisément, profondément. Il contrôle plus ou moins consciemment sa respiration et s’arrête de respirer lorsque les sensations lui apparaissent menaçantes. Contrôler la respiration apparaît comme une défense inconsciente contre des émotions perçues comme dangereuses. Lâcher prise signifierait tomber dans un désespoir tel que la patient pourrait ne pas s’en remettre.
Accueillir ses émotions comme des messagères du corps
Le névrosé a peur du sentiment, alors qu’une personne équilibrée peut les accepter, s’identifier avec eux, même si elle ne se laisse pas aller à agir. C’est pour cette raison qu’il convient d’envisager la névrose comme une peur d’être ou même une peur de la vie. La tâche thérapeutique, alors, est d’aider le patient à prendre conscience de ses sentiments, à les accepter, et dans les conditions souhaitables, à leur permettre de se libérer. – Alexander Lowen
Lowen insiste sur le rôle du corps et de la décharge : en thérapie bio-énergétique, un patient peut être encouragé à céder à sa rage, ou à l’exprimer en frappant le divan de ses poings ou à l’aide d’une raquette de tennis.
Cette technique lui permet de réaliser que la fureur enfuit en lui peut s’exprimer sans tuer quelqu’un, malgré l’envie qu’il en pourrait avoir (Lowen a remarqué que certains patients ont peur de leur colère parce qu’ils pensent que, s’ils laissent leur colère s’exprimer, ils seront dans une telle rage qu’ils risquent de tuer quelqu’un). La thérapie bio-énergétique apprend aux patients qu’ils peuvent céder aux sentiments et, en même temps, contrôler leurs actions.
Ce n’est qu’en se libérant de ses sentiments dans le cadre contrôlé de la situation thérapeutique que les tensions chroniques musculaires qui « résistent » inconsciemment aux sentiments peuvent être relâchées. De cette façon des sentiments potentiellement explosifs ou hystériques s’intègrent à la personnalité et étendent la gamme de la réponse émotionnelle de la personne.- Alexander Lowen
Le fait de décharger par le corps permet, par déblocage, de respirer davantage en profondeur. Le patient peut se permettre de laisser son corps vibrer à la vie, parce que ses émotions et ses sensations ne constituent plus maintenant le danger qu’ils représentaient auparavant.
Ainsi, Lowen affirme que l’être est accru chaque fois que nous nous laissons aller à sentir en profondeur notre corps ou à exprimer nos sentiments par une action appropriée.
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Source : La peur de vivre de Alexander Lowen (éditions Enrick B.)
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