Quand les émotions socialement attendues que nous apprenons dans l’enfance deviennent des émotions parasites à l’âge adulte.
Agnès Le Guernic est analyste transactionnelle et enseignante. Dans son livre L’Analyse transactionnelle, elle consacre un passage à l’idée des émotions parasites. Elle écrit que les émotions peuvent être soit spontanées (parce que les humains sont des êtres émotionnels), soit apprises. Une émotion “apprise” est une émotion parasite qui a été enseigné dans l’enfance à travers des normes sociales, culturelles et/ou parentales.
Le Guernic définit les sentiments parasites comme des sentiments appris des parents et encouragés dans l’enfance, qui se substitue à un sentiment caché interdit dans la famille.
Par exemple, un.e aîné.e qui n’a pas le droit de manifester sa jalousie à l’égard d’une petite soeur ou d’un petit frère va apprendre à réprimer sa jalousie (pourtant saine quand elle passe le message aux parents que l’enfant a juste besoin d’écoute, de compréhension et de réassurance sur l’amour qu’ils lui portent). Cet.te aîné.a va peut-être apprendre à remplacer cette jalousie par des manifestations de tendresse et d’amour à l’égard du bébé parce que ce sont les seules émotions autorisées.
Agnès Le Guernic écrit :
C’est ainsi que dans une famille où il y a une personne malade, les enfants doivent réprimer les manifestations de vitalité, que les garçons sont autorisés à se mettre en colère et à se bagarrer mais pas les filles, que la tristesse et la douceur sont mieux vues chez une fille que la curiosité et la joie de vivre, bref, les enfants doivent s’adapter aux attentes de l’entourage qui varient en fonction de la culture du pays, de l’histoire de la famille ou de l’environnement.
Le problème est que les sentiments appris et les comportements socialement acceptés, attendus par l’entourage, se substituent progressivement aux émotions saines et naturelles. Or les émotions sont toujours légitimes chez un enfant dans le sens où elles sont l’expression de besoins insatisfaits : la colère a une valeur réparatrice face à une injustice, un échec ou un manque de respect; la tristesse est liée à la perte, à la séparation et manifeste un besoin d’empathie, de réconfort, d’amour; la peur est causée par le danger, l’inconnu ou l’insécurité en lien avec des besoins de protection, d’aide, de compréhension et de respect.
Quand les émotions parasites se substituent aux émotions saines et authentiques, alors les premières constituent petit à petit une protection, une image déconnectée du vrai soi contre le désespoir, la rage ou encore la peur éprouvés par l’enfant qui n’a pas reçu les manifestations d’amour inconditionnel et de compréhension dont il avait tant besoin.
A force de répression émotionnelle subie dans l’enfance, les sentiments sains et authentiques sont refoulés et finissent par ne plus être exprimés quand ils sont ressentis. L’enfant en vient à se juger mauvais quand il ressent l’émotion interdite par l’entourage.
Être humain, c’est ressentir toute la palette des émotions humaines. Ainsi, les sentiments authentiques continuent à être éprouvés mais, comme ils ne peuvent pas être exprimés à cause des parents et/ou de la culture, ils s’accumulent dans le corps sous forme de tension. A la manière d’une cocotte minute, ils finissent par exploser sous forme de passage à l’acte disproportionné (par exemple, une personne calme sort de ses gonds dans un accès de colère spectaculaire).
On reconnaît en général les émotions parasites :
- au caractère inadéquat de l’émotion (de la tristesse éprouvée face à une injustice plutôt que de la colère; de la colère éprouvée face à une perte plutôt que de la tristesse…);
- au caractère disproportionné de la réaction à la situation;
- au caractère prolongé de l’émotion (une émotion authentique ne durant pas plus de quelques minutes).
Agnès Le Guernic estime que la méconnaissance de certaines émotions et leur remplacement par d’autres se construit au sein de la famille (les parents subissant une double influence, leur propre histoire + les influences de la culture dans laquelle ils baignent). Dès 4 ans, tout serait déjà en place.
Il est alors important de prendre conscience de la nécessité de nommer le sentiment ressenti par l’enfant afin qu’il mette un nom sur ce qui le traverse, sur ce qui se passe dans son corps, sur ce qu’il se dit, sur ce qu’il a envie de faire. Reconnaître l’émotion comme légitime et normale ne signifie pas pour autant autoriser un enfant en prise à la colère à taper ou casser. Si on veut rediriger le comportement des enfants, mieux vaut d’abord se connecter émotionnellement à ce qu’ils vivent.
A l’âge adulte, il est possible d’être son propre parent, d’agir envers soi-même avec bienveillance en identifiant, nommant, reconnaissant, et acceptant les émotions telles qu’elles émergent.
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Source : L’Analyse transactionnelle : pour mieux se connaître et améliorer ses relations de Agnès Le Guernic (auto édition)
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