La nature des introvertis et leurs difficultés à trouver leur place : comment valoriser l’introversion ?
Susan Cain est une introvertie : elle raconte dans cette conférence qu’elle a souffert enfant de s’entendre dire que son attitude calme et réservée n’était pas la “bonne” façon d’être. Elle a fini par en être tellement convaincue qu’elle a renié sa nature introvertie et passionnée de livres pour devenir avocate à Wall Street. Elle avait besoin de (se) prouver qu’elle pouvait faire preuve d’audace et d’assurance.
Pourtant, dès sa plus tendre enfance, elle sentait bien que les introvertis sont aussi méritants et capables que les extravertis. C’est une fois arrivée à l’âge adulte qu’elle a compris la grande perte (pour elle et pour la société) que représentait cette négation de sa nature profonde.
La nature des introvertis et leurs difficultés à trouver leur place
Susan Cain explique que les introvertis représentent entre un tiers et la moitié de la population… ce qui signifie que presque la moitié de la population souffre d’une contrainte à l’extraversion contraire à leur bien être.
Les introvertis sont caractérisés par le besoin d’environnements feutrés et calmes pour être bien et exprimer pleinement leur potentiel (pas en toutes circonstances, mais la plupart du temps). L’introversion n’est pas de la timidité car cette dernière repose sur la peur du jugement social, ce qui n’est pas le cas de l’introversion qui recherchent plutôt de faibles quantités de stimulation.
Susan Cain regrette que l’école et les lieux de travail soient conçus principalement pour des extravertis. Le travail en groupe et les open spaces les dessert car ils ne sont pas à l’aise dans le bruit, dans un groupe qui produit des interactions en grand nombre. Les personnes (enfants ou adultes) qui préfèrent s’isoler ou travailler seuls sont considérés comme suspects, non coopératifs, comme n’assumant pas leur part du travail collectif.
Or les introvertis sont marqués par la prudence, sont moins susceptibles de prendre des risques démesurés et laissent plus de place à l’émergence des idées des autres dans le cadre de travaux en groupe. Ainsi, Susan Cain déplore que les extravertis soient privilégiés par-rapport aux introvertis pour des postes à responsabilité ou de direction. Elle rappelle que de grands leaders comme Eleanor Roosvelt, Rosa Parks ou Gandhi étaient des introvertis mais se sont fait violence pour une cause qu’ils pensaient juste : ce n’est pas la volonté de se mettre en avant qui les a poussés à s’engager mais ils étaient là par sens du devoir.
Pour autant, un.e introverti.e ou un.e extraverti.e pur.e n’existe pas.
Pour une valorisation des introvertis
Susan Cain plaide pour un meilleur équilibre social et une valorisation des traits de caractère liés à l’introversion (calme, solitude, introspection). La solitude est en effet une condition primordiale pour l’émergence de la créativité. La psychologie a d’ailleurs montré que, du fait de notre nature sociale et de la présence des neurones miroirs, nous avons tendance au mimétisme en groupe… et donc à un appauvrissement de la créativité.
Susan Cain pense qu’il serait plus productif que chacun puisse s’isoler, générer ses propres idées et, ensuite seulement, se rassembler dans un groupe qui échange dans un environnement bien géré. Il ne s’agit pas d’un appel à l’abolition du travail d’équipe ni d’une négation de l’importance des compétences sociales mais une demande de plus de liberté pour les introvertis à être eux-mêmes.
Elle propose trois actions en ce sens :
1.Arrêter le travail de groupe systématique : plus de liberté, plus d’autonomie, plus d’intimité
Susan Cain croit beaucoup plus aux échanges informels qu’aux réunions et travaux de groupe imposés. La pensée profonde vient de l’intériorité et les échanges informels, non planifiés sont plus sources d’émergence d’idées (voir le concept de sérendipité).
2.Débrancher et pénétrer à l’intérieur de nos propres têtes plus souvent
Susan Cain rejoint ici Christophe André quand il parle de vol d’intériorité de la part de la société moderne, mais également Thomas d’Ansembourg qui affirme que trouver du sens à l’intérieur de nous est la condition d’une citoyenneté éthique (“l’intériorité transformante“).
3.Honorer sa propre nature
Les extravertis sont très bien comme ils le sont et les introvertis sont également très bien comme ils sont. A chacun de capitaliser sur ses propres talents, ses propres forces, ses propres traits de caractère pour donner le meilleur de soi-même, s’accomplir et participer au monde.
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Pour aller plus loin : La Force des discrets de Susan Cain (éditions Le Livre de Poche)
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