Notre cerveau nous trompe : comprendre les heuristiques et les biais cognitifs pour plus de flexibilité mentale (et moins de violence)

neurosciences-notre-cerveau-nous-trompe

Notre cerveau nous trompe : comprendre les heuristiques et les biais cognitifs pour plus de flexibilité mentale (et moins de violence)

Au cours de son TedX présenté en 2016, Albert Moukheiber explique pourquoi notre cerveau n’est pas toujours fiable. Il rappelle que le cerveau est l’organe le plus complexe de l’organisme humain et que c’est le seul organe qui s’est nommé lui-même.

Le cerveau est un filtre : les heuristiques

Nos yeux, nos oreilles, notre peau et tous nos sens sont juste des récepteurs qui transmettent l’information du monde extérieur à notre centre de traitement des informations (à savoir le cerveau) qui décide ensuite de la réaction à avoir.

Les informations de l’environnement perçues par les sens passent par un filtre (le cerveau) et ce filtre va analyser ces informations puis décider d’une réaction. Le problème vient du fait qu’il y a beaucoup d’informations dans ce filtre. Le cerveau doit prendre des décisions assez rapidement et utilise une technique approximative qui marche à peu près bien : les heuristiques.

Les heuristiques marchent en général très bien et le cerveau humain ne peut pas fonctionner sans les heuristiques. Par exemple, quand on serre la main de quelqu’un, on ne calcule pas la vitesse du bras et la rotation du poignet pour avoir le bon angle et la bonne pression.

Avec l’entraînement, nos modèles heuristiques s’améliorent et on devient meilleur à faire cette chose. Chez les enfants qui apprennent à marcher, on peut voir le modèle heuristique s’améliorer jusqu’à ce qu’ils y arrivent (ce qui passe par des chutes, des essais-erreurs, le besoin d’appui, une marche vacillante au début).

Quand le cerveau se trompe : les biais cognitifs

Pour autant, il arrive au cerveau qu’il se trompe (par exemple quand nous nous prenons l’angle de la table dans notre propre salon). Les erreurs sont particulièrement intéressantes quand on s’intéresse au raisonnement humain. C’est ce qu’on appelle des biais cognitifs. Les biais cognitifs sont inévitables car c’est le principe même du fonctionnement humain que de s’appuyer sur des heuristiques, rapides mais pas toujours justes.

Certains chercheurs ont théorisé qu’on a deux systèmes de pensée :

  • un système rapide qu’on utilise dans nos heuristiques
  • un système plus lent qui produit des pensées plus rationnelles (sans pour autant assurer que ces pensées soient toujours dans le vrai).

Cela signifie que nous devons inhiber la première réponse rapide (les heuristiques) qui nous vient à l’esprit pour ensuite donner une réponse exacte. Pourtant, les pensées issues du système plus lent peuvent elles aussi être biaisées par des biais cognitifs (qui sont nombreux !).

Par exemple, le biais de cadrage a montré que, sans changer la nature ni la quantité ou le prix des objets mais en introduisant une variable supplémentaire, on peut changer les décisions prises par les humains (sans qu’ils en soit conscients). Un exemple explicite est le fait de présenter une même quantité de nourriture dans des assiettes de différentes tailles : la même quantité sera perçue comme plus ou moins importante selon si l’assiette est grande ou petite.

biais cognitifs

A noter que nous pouvons tout autant être manipulés que nous manipuler nous-mêmes.

Le cerveau reconstruit la réalité

Parfois, notre cerveau en vient même à inventer un sens face à quelque chose qu’il ne comprend pas dans le monde. Le cerveau a tendance à raisonner ainsi : “Il faut le croire pour le voir” (et non pas “Il fait le voir pour le croire”).

Quand le cerveau n’a pas assez d’informations pour comprendre la réalité, il prend une décision  (celle qui lui paraît la plus probable) et attribue sa croyance à la réalité. Le cerveau va porter son a priori perceptif sur l’élément qu’il n’arrive pas à comprendre.

Or il y a autant d’a priori que de cerveaux humains et donc autant de réalités construites que de cerveaux : on comprend alors que certaines personnes n’arrivent jamais à se mettre d’accord car elles voient réellement deux vérités différentes. Ce n’est plus une différence d’opinion, c’est une perception différente de l’environnement extérieur.

Il est exact de dire que notre cerveau reconstruit la réalité et nous voyons la réalité telle que nous sommes (plutôt que comme la réalité est). Ainsi, notre pensée peut nous induire en erreur, aussi bien dans nos raisonnements que dans nos décisions.

Les biais cognitifs ont une utilité mais peuvent être conscientisés

Pour autant, ces biais cognitifs sont utiles à l’espèce humaine pour plusieurs raisons :

  • ils assurent des repères qui permettent la vie en société;
  • si nous n’étions sûrs de rien, nous serions déboussolés, nous ne pourrions jamais prendre de décisions, nous serions torturés par des doutes incessants.

Quant aux heuristiques, ils permettent la survie : face à un danger imminent, la fuite immédiate sans passer par le système lent est la meilleure solution en termes de survie.

Toutefois, il est possible de prendre conscience qu’il existe des biais cognitifs dans le cerveau et de nuancer la réalité que nous percevons. Cela ne peut se faire que dans un temps long car notre cerveau a tendance à aller au plus simple (écraser la réalité pour la faire rentrer dans des cases, diviser et faire des catégories, polariser). Ce que le cerveau nous fait gagner en rapidité nous le fait perdre en nuance et en richesse.

Nous pouvons apprendre à douter de nos pensées, de nos intuitions et de créer une pause avant d’agir. Il est plus intéressant de voir pourquoi on forme un raisonnement plutôt qu’un autre (que de travailler sur le raisonnement en lui-même).

Quand on est attaché à une opinion, on va avoir tendance à ne pas croire, et même pire à ne pas voir, les informations qui contre disent cette opinion (au risque de rester dans le faux). Quand on est attaché au processus de raisonnement, l’opinion n’est plus importante et on peut développer de la flexibilité mentale.

Je fais le lien entre ce que les neurosciences nous apprennent sur le fonctionnement du cerveau et ce que Daniel Favre, spécialiste de l’éducation et de la violence scolaire, écrit : il estime que l’enseignement de la pensée ouverte est un antidote à la violence des enfants et adolescents. Cela fonctionne aussi pour les adultes. Ainsi, on comprend l’importance de diffuser les informations au sujet du fonctionnement du cerveau.

La violence se nourrit et croît plus facilement dans la pensée dogmatique où implicite, certitude et projection s’engendrent mutuellement, accompagnés par l’émotion grisante d’être dans la vérité. L’éducation à la pensée ouverte peut constituer un bon antidote. – Daniel Favre

………………………………………………………….

Pour aller plus loin : Votre cerveau vous joue des tours de Albert Moukheiber (éditions Allary). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.

Commander Votre cerveau vous joue des tours sur Amazon, sur Decitre, sur Cultura ou sur la Fnac

Vous aimerez aussi...

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*