Thérapie psychocorporelle : passer par le corps et le mouvement pour traiter le traumatisme
Faire un tableau de sa structure familiale
Bassel van der Kolk est un spécialiste mondiale du stress post traumatique (quelle qu’en soit l’origine : maltraitance infantile, guerre, violence sexuelle…). Dans son livre Le Corps n’oublie rien, il présente une approche psycho-corporelle (ou somato-psychique) efficace pour traiter les effets du traumatisme : la thérapie Pesso Boyden System Psychomotor (PBSP) qui s’appuie sur la structure familiale. Créé en 1961 par Albert Pesso et Diane Boyden-Pesso, le Pesso Boyden System Psychomotor (PBSP) est une thérapie psychocorporelle pour la rééducation ou la reprogrammation d’émotions remontant à l’enfance. Le patient est amené à faire émerger ses sentiments par la mise en scène des acteurs principaux de son enfance dans un cadre appelé « structure » à l’image de sa structure familiale.
Bassel van der Kolk rappelle que les patients qui ne se sont pas sentis désirés, ou qui n’ont eu personne pour les rassurer dans leur enfance, ne tirent pas pleinement parti d’une thérapie traditionnelle, sans doute parce qu’ils ne peuvent pas activer le souvenir d’avoir été choyés. Ces patients sont rarement capables d’effacer les traces laissées par un père qui aurait préféré qu’ils ne soient pas nés ou par une mère trop déprimée pour les remarquer. Pourtant, leur vie aurait complètement changé s’ils avaient pu redessiner ces “cartes implicites”. Selon van der Kolk, la thérapie psychocorporelle des structures familiales peut aider les gens à acquérir viscéralement des sentiments qui leur ont manqué au début de leur vie.
En effet, les structures de la thérapie psychocorporelle permettent de forger des souvenirs virtuels, qui vivent à côté des réalités douloureuses du passé. De plus, elles procurent des expériences sensorielles – se sentir vu, bercé et soutenu – qui peuvent servir d’antidotes aux souvenirs de blessure et de trahison.
Créer de nouveaux scénarios émotionnels
Bassel van der Kolk a effet remarqué, au cours de ses nombreux suivis thérapeutiques, que les humains ont besoin, pour changer, de se familiariser viscéralement avec des réalités qui contredisent diamétralement les sentiments statiques du moi traumatisé (bloqué ou paniqué), en les remplaçant par des sensations ancrées dans la sécurité, le plaisir et le lien.
Ces structures sont toujours soumises aux lois de la physique dans le sens où d’autres humains vont “jouer” le rôle des personnes impliquées dans la structure familiale du patient traité. Ce dernier va pouvoir distribuer les rôles des personnes impliquées dans son histoire traumatique, les placer et déplacer dans l’espace autour de lui et s’appuyer sur les paroles du thérapeute qui reflète ses émotions et messages non verbaux.
Ce type de thérapie psycho-corporelle vise à à créer de nouveaux scénarios émotionnels suffisamment intenses et réels pour désamorcer et contrer les anciens scénarios traumatiques. La structure crée en effet une image en trois dimensions de ce à quoi la personne traumatisée a été confrontée et lui donne une occasion de trouver une autre issue.
Les tableaux thérapeutiques des structures offrent une expérience que de nombreux participants n’auraient jamais cru pouvoir connaître : celle de se sentir chaleureusement accueillis dans un monde où les autres les protègent, répondent à leurs besoins et les mettent à l’aise. – Bassel van der Kolk
Accepter d’affronter les peurs et travailler sur les croyances
La plupart des gens hésitent à se replonger dans leurs déceptions et leurs douleurs anciennes – de peur de ranimer l’intolérable. Pourtant, à mesure qu’ils se sentent reconnus et compris, une nouvelle réalité commence à prendre forme.
Si on s’attend à être rejeté et frustré, on n’a pas envie d’essayer de nouvelles options, sûr qu’elles mèneront à l’échec. Ce manque d’expérimentation enferme dans un état de peur, d’ isolement et de manque, où on est incapable de s’ouvrir aux explorations mêmes qui pourraient changer notre vision du monde. C’est une des raisons pour lesquelles les expériences hautement structurées de la thérapie psychocorporelle sont si précieuses.- Bassel van der Kolk
Les thérapies psychocoporelles de la structure familiale permettent de projeter une réalité intérieure dans un espace protégé, où on peut observer la confusion de son passé avec des gens réels (jouant le rôle des personnes impliquées dans l’histoire personnelle). Ce passage par le mouvement et les trois dimensions crée des moments de révélation concrète : « Oui, ça faisait cet effet. C’est cela que j’ai dû accepter : ce qu’aurait été ma vie si j’avais été chéri et bercé. » Les personnes traumatisées peuvent ainsi faire l’expérience dans leur corps et à travers leurs cinq sens de l’amour et de la protection qui leur ont manqué. Elles peuvent alors écrire une autre version de ce qu’elles ont ressenti à l’époque. « Je peux communiquer spontanément avec les autres, sans avoir peur d’être repoussé ou blessé. »
D’après mon expérience, revivre physiquement le passé dans le présent, puis le remanier dans un « contenant » sûr et encourageant, peut être assez puissant pour créer des souvenirs nouveaux et complémentaires : l’impression de grandir dans un cadre harmonieux, affectueux, où on est protégé du mal.- Bassel van der Kolk
Les thérapies psychocoporelles de la structure familiale : guérir du traumatisme par le corps et l’esprit
Les thérapies psychocoporelles de la structure familiale n’effacent pas les mauvais souvenirs mais offrent des options inédites. Van der Kolok parle “d’une mémoire alternative où nos besoins élémentaires sont satisfaits et nos désirs d’amour et de protection assouvis”.
Elle permet d’éprouver ce qu’on a ressenti à l’époque, de visualiser ce qu’on a vu, et de dire ce qu’on n’a pas pu exprimer. C’est comme si on pouvait revenir en arrière dans le film de sa vie pour en réécrire les scènes cruciales. On peut demander à quelqu’un de faire ce qu’on n’a pas pu faire autrefois, par exemple empêcher son père de frapper sa mère. – Bassel van der Kolk
C’est la raison pour laquelle ces tableaux sont capables de déclencher des émotions intenses. Par exemple, un patient qui place dans un coin sa « vraie mère », tremblante de peur peut mourir d’envie de l’aider et mesurer à quel point il se sentait impuissant dans son enfance. Mais si il crée ensuite une mère idéale, qui tient tête à son père et sait éviter d’être piégée dans la violence conjugale, ce patient peut éprouver un soulagement viscéral et se sentir libéré de son vieux sentiment de culpabilité.
Le thérapeute et les autres participants ont une grande responsabilité dans cette approche. La tâche du thérapeute et des autres participants est d’apporter leur soutien pour que la personne traitée puisse explorer ce que la peur lui a empêchée de creuser toute seule. La sécurité du groupe aide à remarquer des choses que l’on a occultées, souvent celles dont on a le plus honte. Comme la personne traumatisée n’a plus à se cacher dans le cadre d’une thérapie psychocoporelle, la structure permet de remettre la honte à sa place : dans les figures symbolisant les gens qui, autrefois, ont blessé et face auxquels on a pu se sentir désarmés.
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Source : Le Corps n’oublie rien : Le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme de Bassel Van der Kolk (éditions Albin Michel).
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