La reconnexion à soi passe par le corps (accepter d’être déséquilibré, pleurer, crier…)
Alexander Lowen, psychothérapeute américain, a conçu l’approche bioénergétique parce qu’il est convaincu que tout changement profond s’exerce au niveau corporel.
Dans son livre La peur de vivre, il insiste sur l’importance d’être. Selon lui, être ne nécessite aucun effort, parce que c’est spontané et naturel. Il remarque cependant que la plupart des gens ne se rendent pas compte que le fait de jouer un rôle leur coûte beaucoup en termes d’efforts et d’énergie. Quand on joue un rôle, on ressent une fatigue chronique, de l’irritabilité et de la frustration.
Lowen nous invite à cesser de nous battre contre le destin puisque nous ne pouvons pas en être maîtres. Chaque fois que nous luttons contre notre passé en persistant dans l’adoption d’un rôle construit dans l’enfance, nous nous épuisons littéralement, le point final de cette lutte étant une mort prématurée. Plus nous luttons, plus nous visons la réussite sociale, l’admiration et la reconnaissance, plus nous confondons rôle construit et être authentique, plus nous nous approchons du destin que nous redoutons (abandon, isolement, échec, absence d’amour, faiblesse…).
Le thérapeute estime que chaque fois qu’une personne nie la réalité d’un manque d’amour de la part de ses parents (sous forme d’amour conditionnel, de répression émotionnelle comme “ne pleure pas”, “ne sois pas triste”, “souris, je t’aime mieux quand tu es joyeux”…), cette expérience infantile douloureuse se transforma en un “abcès psychologique suintant de douleur.”. Il est important de prendre conscience de ce manque d’amour pour cesser de vouloir surmonter le désespoir par la réussite et le succès, par l’acceptation venant des autres (à travers différents rôles dépendant des expériences vécues dans l’enfance : le rôle du clown qui amuse la galerie, le rôle du sauveteur qui offre compréhension et aide à tout le monde, le rôle de victime qui offre aux sauveteurs l’occasion de les sauver, le rôle de “soldat” qui n’échoue jamais et n’est jamais touché par quoi que ce soit…). L’adoption de ces rôles interdit de ventiler ou de décharger la tristesse douloureuse de l’être authentique.
Accepter son désespoir et son destin ne signifie pas résignation. C’est reconnaître que l’on ne peut contrôler ce qui est à l’intérieur de nous-même. – Alexander Lowen
Il ne suffit pas de prendre conscience de ce manque d’amour : ce qui compte est d’arrêter de vouloir obtenir de la reconnaissance, de l’amour inconditionnel, du soutien de la part de parents qui n’en ont pas à donner.
Alexander Lowen estime que la reconnexion à soi (être plutôt que jouer un rôle) passe par le corps parce que le rôle adopté et construit s’inscrit et s’exprime à travers le corps.
Je voulais être libre, et je savais que je devais le faire à travers mon corps. – Alexander Lowen
Lowen propose quelques exemples d’un début de reconnexion à soi par le corps.
Accepter d’être physiquement déséquilibré
Lowen prend l’exemple des personnes dont le rôle est celui du sauveteur. La structure corporelle des sauveteurs est extrêmement rigide car ils ne peuvent pas se permettre de s’effondrer. En effet, ils se persuadent que les autres s’appuyent sur lui et ils trouvent leur valeur en tant que personne dans l’utilité qu’ils estiment apporter aux autres. Être déséquilibrés et prendre le risque de s’effondrer, c’est mettre à mal le rôle de sauveteurs qui donnent du sens à leur vie.
Tant que mes jambes me soutenaient, je pouvais jouer les durs. Il me fallait tomber, échouer. – Alexander Lowen
Lowen présente un exercice qu’ils propose en thérapie bioénergétique dans lequel les membres d’un groupe s’exercent à se laisser tomber (l’objectif étant d’apprendre à aller au-delà des défenses mises en place par chaque personne). L’exercice consiste à faire porter son poids sur une jambe, tout en étendant l’autre sur le côté pour s’équilibrer. Le genou de la première jambe est fléchi. Ainsi les muscles de la jambe fournissent l’effort nécessaire à maintenir la personne en équilibre. Le thérapeute demande aux patients de ne pas se laisser tomber. À la longue les muscles se fatigueront et la jambe cédera. Le patient finit par tomber (sur un matelas ou un tapis au sol). L’important dans la réussite de cet exercice est que la chute doit arriver contre la volonté du patient; elle doit être spontanée. L’objectif est que la chute soit vécue comme un léger choc pour la personne, lui permettant de ventiler ses sensations enfouies.
Crier
Lowen prend l’exemple d’une de ses patientes qui avait remarqué qu’elle se réveillait souvent avec l’impression d’étouffer. Il prit pour hypothèse qu’elle tentait d’exprimer ses protestations contre les souffrance subies dans l’enfance (privation d’amour, répression émotionnelle, pression psychologique). Enfant, cette patiente n’avait pu protester de manière saine par l’émotion de colère contre l’attitude maltraitante de ses parents qui ne lui avaient jamais manifesté d’amour inconditionnel. Elle n’avait jamais osé leur crier : « Pourquoi ne m’aimez-vous pas ? Vous m’avez mise au monde, après tout ! » parce que la colère était censurée, étant considérée comme un manque de respect, comme inconvenable.
Comme cette patiente étouffait le cri du fait de son juge intérieur (les attitudes et réflexions de ses parents l’ayant colonisée), elle fermait sa gorge s’empêchant ainsi de libérer les émotions saines de colère, de tristesse et de peur, au service de sa vie.
Comme son cri restait coincé dans sa gorge, Lowen a décidé de traiter directement le problème physique en exerçant avec ses doigts une pression sur les muscles scalènes, des deux côtés du cou.
Cette pression, dans le cadre d’une thérapie basée sur la confiance et le respect, a pu libérer le cri étouffé depuis si longtemps.
Pleurer
Lowen insiste également sur l’importance des pleurs dans le processus de reconnexion à soi. Quand une personne lâche prise et se met à pleurer profondément, elle peut enfin renoncer à son combat contre son être authentique et se laisser traverser par les émotions qui servent l’élan vital (la tristesse de ne pas avoir été accepté telle qu’elle est dans l’enfance, d’avoir du changer pour avoir l’espoir de recevoir un peu de chaleur, d’attention, d’acceptation).
Ce type de pleurs de proviennent pas du désespoir mais plutôt de l’inverse : du soulagement, de la détente, du lâcher prise. La douleur est réelle, la souffrance n’est pas niée, mais les pleurs sont justement le mécanisme le plus efficace que possède le corps pour soulager tension et douleur.
Ces pleurs de réparation ne peuvent intervenir qu’à partir du moment où l’accompagnement thérapeutique permet d’éveiller la personne à ces souffrance internes, liées à des blessures d’enfance profondes qui l’organisme a mis tant d’énergie à mettre à distance.
Taper
Alexander Lowen demande également à ses patients, une fois que les cris et les pleurs ont été libérés, de donner des coups de pieds sur le divan, jambes allongées, tout en criant « Pourquoi ? ».
Lowen estime que donner des coups de pieds est une autre forme de protestation qui mobilise le corps et le décharge de certaines de ses tensions. Dans cet exercice, le son du « pourquoi » est prolongé jusqu’à ce qu’il devienne un cri.
En protestant de la sorte, une personne accepte le fait qu’il y a eu effectivement rejet et réalise que tout effort pour ne pas le reconnaître est une dépense inutile d’énergie. On est lié au passé seulement si les souvenirs et les sentiments qui lui sont associés sont refoulés. – Alexander Lowen
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Source : La peur de vivre de Alexander Lowen (éditions Enrick B.).
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