L’importance de prendre nos souffrances d’enfant au sérieux
Tout bourreau a été autrefois une victime, mais toute victime n’est pas vouée à devenir un bourreau.
Dans son livre Ta vie sauvée enfin, Alice Miller, spécialiste des conséquences des mauvais traitements infligés aux enfants, rappelle que seuls ceux qui nient les souffrances de leur enfance, les banalisent, les tournent en dérision, sont en danger de devenir des bourreaux.
A partir du moment où une personne peut prendre ses souffrances au sérieux, elle n’éprouve pas le besoin de s’en venger sur autrui, à commencer par ses propres enfants.
De mon point de vue, tout bourreau a été autrefois une victime, mais, bien entendu, toute victime n’est pas vouée à devenir un bourreau. – Alice Miller
Alice Miller ajoute que les êtres qui, dans leur enfance, ont été entourés d’affection, ont bénéficié d’une attention positive, ne portent pas en eux de potentialités destructrices.
Les freins à la prise de conscience de la gravité des violences éducatives (même dites “ordinaires”)
Malheureusement, les maltraitances restent la plupart du temps occultées (parce que niées par l’enfant devenu adulte, par les parents maltraitants et par la société) et l’enfance est souvent idéalisée (par les adultes qui idéalisent leur propre enfance et par une idéalisation collective du temps de l’enfance comme un temps d’insouciance, de bonheur).
Pour Miller, seule la prise de conscience émotionnelle de ce que nous avons vécu dans nos jeunes années si nous avons été victimes de maltraitance émotionnelle et/ou physique (y compris fessées, claques, “petites” tapes et répression des émotions éprouvées dans l’enfance) et l’empathie pour l’enfant que nous fûmes nous préservent de la reproduction des mauvais traitements endurés au cours de l’enfance et qui restent actifs dans notre inconscient.
Alice Miller a remarqué au cours de sa pratique thérapeutique que de nombreuses personnes maltraitées défendent énergiquement leurs parents et cherchent à les comprendre. Elle explique cela par le fait que ces personnes espèrent recevoir, malgré tout, un peu d’amour, un jour ou l’autre, quel qu’en soit le prix pour leur santé (en niant leurs émotions enfouies telle que la colère contre le parent maltraitant, ces personnes s’enferment dans la dépression et/ou la maladie physique).
Pour le petit enfant, ses parents sont des dieux tout-puissants, omniscients et aimants. Toujours. S’il fait des expériences contredisant cette vision, si le père (ou la mère) aimant hurle et frappe, il va tenter de “se l’expliquer” en s’accusant lui-même, afin de préserver intacte l’image de ces divinités qui lui est nécessaire pour survivre.
Notre devoir d’adulte : vivre pleinement notre colère d’ancien enfant pour mettre fin aux violences
Abandonner la position d’enfant en attente d’amour et plein de gratitude même envers des parents maltraitants
Presque tous les enfants qui ont eu besoin de la compréhension, de l’amour et du respect de leurs parents et qui ne reçoivent que des humiliations et des coups, ne savent même pas qu’il existe autre chose (les abus tels que fessées, menaces, chantage, négation émotionnelle n’étant pas identifiés comme des violences).
Ces enfants, même devenus adultes, persistent à attendre de l’amour de la part de gens qui ne sont pas capables d’une véritable affection. En effet, les enfants sont incapables de renoncer à l’illusion d’être aimés et ils sont amenés à croire que tout ce que leurs parents leur ont infligé a été fait par amour.
Mais un adulte n’est pas condamné à se raconter des histoires sur son enfance, à accepter les travestissements d’actes violents en supposées manifestations d’amour et à croire qu’il n’y a pas d’alternative à la violence (même dite “ordinaire”). Dans le travail sur soi (avec ou sans accompagnement thérapeutique), l’adulte devra donc apprendre à abandonner la position de l’enfant et à vivre avec la réalité.
Vivre sa colère pour enfin s’aimer soi-même
Alice Miller considère que ce travail sur soi passe par le fait de ressentir et exprimer pleinement la colère que la maltraitance des parents a provoquée. Si, à ce moment-là, quelqu’un peut accompagner ce travail émotionnel en témoignant de l’empathie pour ces souffrances de l’ancien enfant, alors cet enfant devenu adulte cesse de tolérer, minimiser ou de chercher à comprendre les mauvais traitements reçus et il peut enfin découvrir ses talents, ses capacités et son véritable soi. Cette personne, ce “témoin lucide” selon l’expression d’Alice Miller, montre son indignation et fait preuve d’empathie pour les blessures de l’enfant d’alors sans chercher à excuser les parents ou minimiser les souffrances éprouvées dans le passé.
Quand on a appris à s’aimer soi-même, on ne peut pas en même temps aimer son bourreau. – Alice Miller
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Source : Ta vie sauvée enfin de Alice Miller (éditions Champs Essais Flammarion). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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