[Peur, colère, tristesse] 5 familles de stratégies efficaces de régulation émotionnelle
Il existe cinq grandes familles de stratégies de régulation a posteriori (c’est-à-dire une fois que les émotions ont émergé en soi) :
- la gestion de la situation,
- la ré-orientation de l’attention,
- le changement cognitif,
- le partage avec autrui,
- les techniques physio-relaxantes.
Dans leur livre Les compétences émotionnelles, les auteurs rappellent qu’il est nécessaire de développer plusieurs stratégies de régulation émotionnelle dans notre répertoire personnel. Si une technique n’est pas/plus applicable, d’autres sont alors disponibles.
L’ordre dans lequel les différentes stratégies sont présentées n’a pas d’importance.
1.La gestion de la situation
L’objectif est de se libérer de l’émotion en se débarrassant du problème qui l’a provoquée, soit de manière directe, soit de manière indirecte.
- Les méthodes directes visent à modifier directement la source de l’émotion indésirable (par exemple faire réparer l’imprimante qui ne marche qu’une fois sur deux).
- Les méthodes indirectes nécessitent l’intervention d’une tierce personne. Cela peut consister à faire appel à l’entourage/ un.e spécialiste pour résoudre un problème qu’on ne parvient pas à résoudre seul.
La modification de la situation n’est toutefois pas toujours envisageable. C’est le cas, par exemple, des maladies incurables. Il existe par ailleurs des situations désagréables qui pourraient être modifiées, mais qu’un individu va laisser perdurer parce qu’elles apportent certains bénéfices secondaires.
Dans le deuxième cas, si la situation perdure en raison de bénéfices secondaires, il faudra (1) mettre ceux-ci en évidence, (2) déterminer si ces bénéfices justifient ou non la persistance du problème et (3) agir en conséquence.
2.La ré-orientation de l’attention
L’émotion agit ainsi comme une sorte de « torche attentionnelle » : elle éclaire certaines choses, les mettant ainsi à l’avant-plan et en laisse d’autres dans l’ombre.
Ainsi, une émotion désagréable va focaliser l’attention sur les éléments négatifs. On retrouve les effets de ce mécanisme dans l’expression populaire « voir tout en noir » (ou à l’inverse “voir la vie en rose” pour les émotions positives).
Ce mécanisme émotionnel est au service de la vie car il permet un traitement plus rapide de la menace en situation de danger. Mais, en parallèle, l’individu qui n’y prend pas garde risque de tomber dans un état de rumination dans lequel il ressassera la situation – n’en percevant que les aspects négatifs – où une pensée négative en entraînera une autre.
Un moyen efficace de réguler une émotion désagréable consiste à briser cette spirale en orientant l’attention sur autre chose, c’est-à-dire en se distrayant. Il existe deux grandes formes de distraction :
- La distraction interne, qui consiste à penser à autre chose. Par exemple, repenser à un souvenir heureux, imaginer les vacances à venir, etc.
- La distraction externe, qui consiste à faire autre chose, par exemple une activité qui procure du plaisir (faire du sport, regarder la télévision, lire, sortir, etc.).
Il est à noter que la distraction n’est ici pas synonyme de déni. Une personne qui régule sa colère en se distrayant pour s’empêcher de réagir sous le coup de la colère n’est pas dans le déni : elle se donne les moyens de réfléchir plus calmement une fois que la charge émotionnelle sera moins forte. La grande différence entre la distraction et le déni est que la personne qui dénie refuse de reconnaître l’existence même du problème, sa gravité ou ses conséquences potentielles, qu’elle nie ses émotions, tandis que la personne qui se distrait a pleinement conscience de la réalité de la situation.
3.Le changement cognitif
L’émotion dépend non pas de la situation en tant que telle, mais de la perception que l’individu en a. C’est l’évaluation de la situation et non la situation elle-même qui détermine l’émotion. Ainsi, changer notre perception permet de changer notre émotion. Deux manières de changer la perception de la situation sont la réévaluation de la situation et l’acceptation.
- La réévaluation de la situation
Différentes techniques peuvent aider à réévaluer la situation.
- Examiner ses croyances
Cette technique consiste à examiner les arguments en faveur de ce que nous pensons et ressentons puis à rechercher les arguments qui, au contraire, contredisent nos pensées et notre ressenti.
- Relativiser
Relativiser consiste à examiner si l’on ne donne pas trop d’importance à la situation et/ou à comparer la situation actuelle à des situations bien pires. Les questions suivantes sont typiques du processus de relativisation : « Est-ce vraiment si important ? » « Ne suis-je pas en train de faire une montagne d’une souris ? » « Me mettrais-je dans cet état si je devais mourir demain ? » « Comparée à ce que j’ai vécu de pire, cette situation n’est-elle pas accessoire ? ».
- Chercher les points positifs
Contrairement à l’impression qui se dégage lorsque l’on est au coeur d’une situation que l’on estime négative, la plupart des événements, si noirs ou douloureux soient-ils, comportent un aspect positif. Cette stratégie consiste à nous décentrer du négatif et à regarder le bon côté des choses : quel est le point positif de la situation ? quel bénéfice puis-je en retirer ? que puis-je en apprendre ?
- Chercher les bénéfices à long terme
Si la recherche des aspects positifs se révèle infructueuse dans le présent, une manière utile en termes de régulation émotionnelle est de s’abstenir de juger de la valeur de l’événement plutôt que de le catégoriser comme totalement négatif.
- L’acceptation
Dans toutes les existences humaines, il existe des événements incontrôlables et monstrueux, tels que les génocides ou les viols. De tels événements sont difficiles à réévaluer positivement et on ne peut pas en attendre de bénéfices à long terme. Pour ces événements abominables, la meilleure régulation émotionnelle est l’acceptation.
Accepter ne signifie pas adhérer à ce qui s’est passé, ou se rendre complice. Il s’agit simplement de cesser de se battre dans le vide, d’arrêter de se blâmer ou de blâmer autrui/la vie pour quelque chose que l’on ne peut pas/plus changer.
Acceptation n’est pas synonyme d’impuissance acquise (envisagée comme une une attitude passive), mais constitue un processus actif. Accepter, c’est d’abord accepter l’existence de choses que l’on ne peut pas changer, puis accueillir pleinement les émotions suscitées par la situation. Nous sommes ainsi amenés à prendre une position d’observateurs par rapport à nos émotions, à constater et à prendre acte de l’émotion présente, sans chercher à la fuir, acceptant d’éprouver des émotions douloureuses.
L’acceptation est la voie vers l’auto empathie : accepter les émotions et les besoins tels qu’ils émergent (“oui, c’est vrai, c’est douloureux”) prendre soin de la partie vulnérable en soi, rester au contact de ces émotions douloureuses en les validant, en reconnaissant le caractère injuste, douloureux de la situation, en acceptant de pleurer si le besoin s’en fait ressentir.
4. L’expression des émotions
Les spécialistes de l’intelligence émotionnelle distinguent deux types d’expression des émotions : le partage social et l’expression “clarificatrice”.
- Le partage social de l’émotion (à un tiers)
La littérature désigne sous le nom de « partage social » le partage d’émotions avec un interlocuteur qui n’est pas à l’origine de l’émotion (exemples : lorsque l’on raconte à une amie la dernière dispute que l’on a eue avec notre conjoint, ou lorsque l’on rediscute entre amis d’un accident auquel on vient d’assister).
Tant les événements positifs que les événements négatifs suscitent ce besoin de parler. Le partage social est un excellent outil de régulation parce qu’il prolonge les émotions positives et diminue les émotions négatives.
- L’expression clarificatrice (à la personne qui a provoqué des émotions en nous)
L’expression clarificatrice consiste à exprimer à son interlocuteur, de manière posée et constructive, les émotions induites par son comportement. L’expression clarificatrice des émotions poursuit un double objectif :
- d’une part, permettre à l’interlocuteur de prendre connaissance de notre état émotionnel,
- d’autre part, de favoriser la résolution du problème.
L’interlocuteur pourra en effet soit démontrer que l’émotion n’a pas lieu de perdurer (ex. malentendu), soit rectifier le tir et adapter son comportement, ou encore décider de ne rien faire.
5.Les techniques physio-relaxantes
Les techniques physio-relaxantes ont pour but d’agir directement sur le corps. Elles visent à supprimer la composante physiologique de l’émotion. Cela ne supprime pas forcément les pensées négatives mais, lorsque notre corps est détendu et que nous sommes ainsi ressourcés, il est plus facile de faire face aux difficultés. Il existe 2 grandes techniques : la relaxation dirigée et la relaxation personnelle.
- La relaxation dirigée
Il existe de nombreuses techniques de relaxation dirigée, comme le proposent la sophrologie, la méthode Vittoz, les exercices de respiration en pleine conscience, la cohérence cardiaque, la visualisation positive…
Pour être efficaces en situation de stress, les techniques de relaxation doivent avoir été pratiquées et automatisées en situation de repos. En effet, ce n’est qu’après un entraînement suffisant qu’elles deviennent efficaces.
- La relaxation personnelle
En dehors de la relaxation guidée, il est possible de pratiquer spontanément des activités relaxantes : prendre un bain, écouter de la musique, etc. Ces activités relaxantes sont basées sur les cinq sens et visent à induire un relâchement de la tension musculaire et/ou physiologique.
Pour une boîte à outils bien remplie
Les différentes stratégies de régulation émotionnelle ont fait preuve de leur efficacité. Cependant, chaque personne aura des affinités particulières avec certaines stratégies plutôt que d’autres. L’essentiel est cependant d’avoir plusieurs stratégies à sa disposition dans sa boîte à outils, afin de pouvoir faire face au plus grand nombre de situations possibles.
Par ailleurs, il est à noter que la régulation émotionnelle sera d’autant plus efficace qu’elle a été l’objet d’entraînement en dehors de crises émotionnelles et qu’elle intervient tôt lors de l’émergence de l’émotion à réguler.
Dans le livre Les compétences émotionnelles, les auteurs utilisent la métaphore des chutes du Niagara pour illustrer le fait que la régulation émotionnelle est plus efficace quand elle intervient dès l’apparition des premiers signes de l’émotion. Lorsqu’un bateau se trouve loin de la chute, il a tout le loisir de modifier sa trajectoire et de rejoindre le bord. Plus il se rapproche de la chute, plus il devient difficile à maîtriser. Juste avant la chute, il atteint un point irréversible au-delà duquel il n’est plus maîtrisable et est condamné à tomber. Il en va de même avec nos émotions. De même, si nous ne régulons pas notre colère rapidement, nous atteignons un point de non-retour au-delà duquel il devient très difficile de la maîtriser.
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Source : Les compétences émotionnelles de Mikolajczak, Moïra; Quoidbach, Jordi; Kotsou, Ilios; Nelis, Delphine (éditions Dunod). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet.
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